L’engouement autour du fitaro est palpable cette année, et pourrait presque nous faire oublier la pandémie du Coronavirus.
Ne faites pas semblant, c’est comme lorsqu’un « Baraka Den » achète un nouveau 4×4, ça circule partout sur Snap, IMO ou encore WhatsApp… En ce moment, il est question du fitaro. A notre agréable surprise, beaucoup agitent des billets verts sur les réseaux sociaux en chantant les louanges de leur marigui[1] « capables ».
[1] Le terme marigui est utilisé en Diakhanké pour désigner les cousins du côté maternel, de manière générale ce sont les enfants d’un Bayin (oncle maternel qui est soit un frère ou un cousin proche de la mère).
M’barinlou, l’affaire de Fitaro c’est du sérieux
Ainsi, je suis allé rendre visite à mes parents afin d’en savoir plus sur le sujet. Et bien sûr, le sujet du fitaro était au centre des discussions. Ma mère était toute fière de me montrer les tenues wax et bazins qu’elle avait obtenu en allant fita ses marigui. Cerise sur le gâteau (ou plutôt Djarato sur le fouté) elle est revenue avec un seau de Chicken Spot pour fêter cette belle tournée avec l’argent récolté.
Flairant le bon filon, je lui demandai s’il suffisait juste de balayer la maison de nos cousins pour avoir des cadeaux :
Tu n’es vraiment pas renseigné. D’après nos anciens, lors du mois de Mouharam, ils rendaient visite à leur famille maternelle pour aller fita leurs mariguis. Ils avaient pour habitude d’amener avec eux des présents tels que des morceaux de bois, de l’eau ou des denrées alimentaires.
Cependant, comme nous sommes en France, nous amenons de l’eau, des boissons ou de la nourriture.
Nous accompagnons ses cadeaux avec des chants indiquant que nous sommes chez notre famille maternelle et que personne ne pourra nous chasser. En insistant, que nous avons faim et que nous sommes dans le besoin.
Enfin, si tes cousins maternels ne sont pas trop radins, cette visite sera un succès.
Avis aux novices du Diakhangaya
Soyez-donc rassurés. Il ne s’agit pas d’aller prendre le balai pour aller faire le ménage chez vos cousins maternels, mais plutôt d’effectuer une visite de courtoisie avec les présents mentionnés ci-dessus à l’occasion du nouvel an hégirien. Suite à cela, les cousins maternels se réunissent pour distribuer des cadeaux, et chacun d’entre eux contribue selon ses moyens pour offrir quelque chose en retour au visiteur.
Le fitaro est donc l’occasion de beaux moments de joie et de partage à l’approche de la nouvelle année.
Cette tradition n’est pas issue du Coran ou de la Sunna. Cependant, elle répond à une injonction fondamentale dans l’islam qui est l’entretien des liens de parenté. Le fitaro illustre également l’importance que les diakhankés accorde à leur barina (famille maternelle). Même si l’enfant porte le nom du père, la famille de la mère est souvent présente pour aider cette dernière ou ses enfants en cas de besoin. En effet, nos parents résument souvent cela avec la citation ci-dessous :
Si l’enfant n’est pas du côté de son père, il est du côté de sa mère.
Maintenant, entrons dans le vif du sujet car je vous vois déjà venir avec la fameuse question : quelle est donc la source de cette tradition ?
Ne vous inquiétez pas la Diakspora a fait ses recherches sur le sujet.
Une tradition Sarakhollé et Diakhanké
Extraits de l’ouvrage Al-kanz Al awfar (Le trésor le plus précieux) écrit par Elhadj Banfa Diaby de Touba :
Il était coutume que chez les sarakhollés et diakhankés que les cousins paternels rendent visite à un cousin maternel à l’occasion du nouvel an de l’hégire.
Cette coutume a été établie par deux anciens habitants d’un village (sarakhollé et diakhanké). L’un deux était richissime et il reçut un jour la visite d’un de ses cousins maternels. Ce dernier était venu, à l’occasion du nouvel an, avec des morceaux de bois sur la tête qu’il déposa dans la cour de la maison. Il se mit alors à danser et à chanter jusqu’à ce que la famille entière se réunisse autour de lui l’air surpris.
Lorsqu’il finit de chanter, il leur expliqua qu’il allait très bien et qu’il était ravi de rendre visite à son cousin à l’occasion du nouvel an. Le cousin en question fut ravi de cet honneur et proposa à son invité de choisir qui il voulait parmi ses esclaves et ses concubines. Ce dernier en choisit une dizaine.
Ensuite, il lui ouvrit sa basse-cour pour qu’il choisisse ce qu’il lui plaisait. Il en fut ainsi. Enfin, il lui donna en mariage sa plus belle fille et il lui offrit tout ce qu’il possédait en meubles et nourriture en lui demandant de ne rien laisser. Le visiteur surpris et gêné, demanda à son hôte de lui épargner cela, mais en vain.
A la fin, le visiteur s’exécuta devant l’insistance du maître de la maison et prit tout ce qu’il y avait à l’exception du balai. Son oncle lui demanda alors de prendre le balai et de nettoyer la maison, d’où le nom de cette coutume.
Conclusion
C’est désormais à notre tour de perpétuer cette honorable tradition de nos parents. Maintenant que vous connaissez les tenants et les aboutissants, vous êtes désormais armés pour aller braquer rendre visite à vos cousins maternels dans la joie et la bonne humeur.
Dans de très rares cas, il arrive que l’on propose une femme en âge de se marier au visiteur ce qui n’est pas un problème si vous êtes célibataire. Quant aux hommes déjà mariés, je vous informe que Diakspora décline toute responsabilité en cas de propositions de mariage.
Wa salam