Chers lecteurs, ce nouveau chapitre sera consacré au déroulement du mariage au sein de notre communauté Diakhanké. De la rencontre jusqu’à l’accompagnement de la mariée chez son mari, nous allons nous plonger à travers ce récit (mêlant religion et surtout traditions) dans une communauté vertébrée par ses coutumes et qui fait de cet événement un moment unique.
« Rome ne s’est pas construite en un jour » cette citation est également vrai pour le mariage, elle ne s’organise pas en un claquement doigt. Depuis l’intention des deux aspirants jusqu’à la célébration à proprement parler, il y a moult tractations et démarches entre les deux futurs belles familles. (qui a dire vrai n’est pas toujours au beau fixe pour celles et ceux qui l’ont vécu)
Avant de planter le décor de la cérémonie du mariage et de ses étapes, il y a bien évidemment « la rencontre des 2 tourtereaux » qui vous l’imaginez bien sera la première halte avant les nuits d’insomnies, d’incertitudes, de stress et ce jusqu’au jour J.
La rencontre
Comme dans toutes sociétés, une histoire d’amour commence forcément par une rencontre. Celle des diakhankés ne déroge pas à la règle. En tenant compte du fait que la vie occidentale a beaucoup influencée la vie sociale des communautés ethniques, aujourd’hui les rencontres sont beaucoup plus conformes au « télénovela ».
Mais il n’en fut pas toujours ainsi. Les diakhankés ont mis un point d’honneur à préserver les rencontres entre les futurs époux avec les valeurs religieuses mais aussi ancestrales transmises de génération en génération. Dans l’islam, on épouse une femme pour l’une des 4 qualités suivantes:
- richesse,
- beauté,
- noblesse
- et piété.
Même si il est beaucoup moins vrai de nos jours, les diakhankés ont souvent privilégié les deux dernières qualités citées précédemment. La noblesse qui veut que les deux prétendants soient de « bonne lignée » (Lambé Niouma en langue diakhanké) et pieux, avec un attachement aux devoirs et aux pratiques de la religion.
Une fois les présentations faites, le curriculum vitae déposé et les « formalités de feeling » validées, nous pouvons passer aux choses sérieuses.
1. Sila boulo : Demande en mariage et accord de principe
En athlétisme, avant de franchir la ligne d’arrivée, le coureur à plusieurs paliers. La première étant qu’il se mette dans les starting-blocks, puis vient ensuite la phrase légendaire « à vos marques, prêt, partez ». Si nous devions donc choisir la première étape, cela serait forcément le sila boulo
En effet, celle-ci consiste à envoyer un premier signal à la belle famille de la future mariée. Un émissaire mandaté par la famille du marié se rend chez la belle famille afin de porter le message que j’appelle NIALAKALÀN. En français, cela se traduit par « notre famille a vu une (chose) chez vous et aimerait avec votre respect pouvoir vous demander la permission de l’obtenir »
Dans la majorité des cas, la réponse n’est donnée que quelques jours (ou semaines) après. Chez les Diakhankés, il est très rare que le père de la future épouse prenne seul la décision de donner sa fille, il doit se concerter avec ses petits frères et avoir le consentement de ces derniers. C’est pourquoi, vous entendrez souvent dans ce cas de figure « moi je mets au monde ma fille, mais ce sont ses oncles qui la donneront en mariage »
Donc, après concertation, la belle famille décide de donner une réponse favorable et va alors accorder le sila boulo toujours via l’émissaire qui a été envoyé par la famille du marié.
2. Woro gnimo : Célébration des fiançailles
Les étoiles sont alignées et les feux sont verts, la famille de la mariée vient de donner son accord et annonce par la même occasion le jour du woro gnimo, qui traduit mot à mot, veut dire « manger la cola » en français. Cette seconde étape s’apparente aux fiançailles des 2 protagonistes. Elle a généralement lieu le vendredi (jour saint pour les musulmans) juste après la prière du « Jumuha » Il peut également arriver qu’elle soit décalé le dimanche (vie occidentale oblige)
Chez les Diakhankés, à l’instar du Foutou sito (que l’on évoquera dans les prochaines étapes), et à l’exception de quelques femmes (celles qui cuisinent et les femmes dites influentes dans la famille), cette cérémonie est exclusivement réservée aux hommes.
Les deux familles sont réunies pour sceller les fiançailles et dégager la voie à une promesse de mariage (promesse, car woro gnimo n’est pas toujours gage de mariage et il arrive que certains fiançailles n’aboutissent pas toujours à une union)
3. Contoro : Visites de courtoisie et d’officialisation
Cette étape constitue les derniers mètres de la course à la cérémonie finale, la ligne d’arrivée est proche.
Le bitan contoro, le marié accompagné de quelques membres de sa famille se rend chez sa future belle famille. Il sied de préciser que chez les diakhankés, cette visite n’est que de courtoisie. A l’inverse chez les maghrébins par exemple, cette étape dite « khotba » représente la demande de mariage du marié à la belle famille. Pour les Diakhankés, il ne
s’agit ni plus ni moins que de faire les présentations officielles et de mettre un visage sur le marié.
Lors de cette visite, il est bien entendu que « des petits présents » sont donnés à la belle famille et ce en fonction des moyens financiers du futur époux. Mais il est évident que dans notre communauté nous ne nous déplaçons jamais sans « les colas » car ils sont le symbole de la bienveillance, de l’hospitalité et du respect, c’est pourquoi elles tiennent une place aussi importante dans la culture africaine.
Vient ensuite le Barimousso contoro, au même titre que le bitan contoro, il ne s’agit là que de politesse. Les belles sœurs du marié se rendent à leur tour chez la belle famille afin de manifester leurs joies et remercier comme il se doit la future mariée.
4. Foutou sito : Le mariage religieux
Le jour J, on y est ! plus que quelques heures et la demoiselle et le damoiseau passeront à mari et femme.
A l’image du woro gnimo et comme dit précédemment, cette étape est l’affaire des hommes. Même la mariée, qui est censée être l’actrice principale n’est pas toujours conviée à cette
cérémonie. (en ce qui me concerne, par expérience, je n’ai vu que très rarement une mariée présente à Son fouto sito)
De la même manière que le woro gnimo, elle a également lieu (très souvent) le vendredi. Le « hlel » comme il est appelé par les jeunes de nos jours est un contrat moral passé entre les deux membres d’un couple musulman, reconnu devant Dieu et devant les hommes. Il est quand même bon de rappeler que cette cérémonie n’a aucune valeur juridique en France, notamment devant la justice en cas de divorce religieux.
Le fouto sito chez les Diakhankés est un moment symbolique. Entre coutumes et religions, cette cérémonie est riche en émotions et en expériences.
Les « Habilo » des deux familles sont réunies et fin prêts à unir pour le meilleur et pour le pire (qu’Allah nous en préserve) monsieur et madame.
Les éléments ainsi que les personnes indispensables(que nous allons énumérer)à la célébration du mariage sont présents. Le « dantéguéla » (l’annonce officielle) peut enfin commencer.
Dans toutes cérémonies, il y a les personnes qui ont des tâches bien défini, il est donc normal et logique
que le foutou sito répartisse également ces rôles toujours en adéquation avec la religion Fonctions :
– Le Foutou sitila (la personne qui célèbre le mariage
– Le Wali (tuteur légal de la mariée)
– Al Wakil (la personne qui se porte garant du marié en cas de problème)
– Les Sédo (les témoins)
Chez les occidentaux, il y a les bagues de mariage, chez les diakhankés il y a les 6 symboles traditionnels qui viennent clore l’union des mariés.
– les Woro (la cola) en signe de respect et d’hospitalité
– Le Koro (le sel) qui caractérise le « bon goût » de cette union
– Le Kayti gué (le papier blanc) qui symbolise la transparence dans le couple
– Le Mécindo et le Garo (l’aiguille et fil de couture) qui viendront tisser les liens entre les deux familles
– Le Fani gué (le tissu blanc) l’expression à la fois de la pureté de la mariée et du linceul chez les musulmans signifiant par sous entendu « marié jusqu’à ce que la mort vous sépare »
– Et enfin, le Fé (la calebasse) qui représente le sacrifice de chacun afin de pouvoir cohabiter dans les meilleures conditions et ce même dans un lieu aussi étroits qu’une calebasse.
Ne manque plus que le Sadaro ou Sadaq en arabe (la dot). Chez les diakhankés elle est généralement fixée par les parents de la mariée mais je tiens à rappeler ici que seule l’épouse est propriétaire de la dot. Elle en a la libre disposition. De ce fait, il est interdit au père ou à la mère de percevoir la dot de leur fille pour leur profit personnel.
De plus, tant que la dot n’a pas été versée à l’épouse, elle demeure une dette qui incombe au mari.
Voilà tout est là ! Le facultatif peut entrer en jeu. Les Douafin (sommes distribués aux personnes ayant assisté à la cérémonie) des familles de Diakha, Karambaya, Djalicounda(griots)… et le Domouro (la nourriture) s’invitent à la fête et viennent bénir cette union dans le brouhaha jovial qui caractérise les diakhankés.
N’méta karssa di karssama sunna ni farla
grosso modo, ça veut dire sommairement
« En vertu des pouvoirs qui me sont conférés, je vous déclare unis par les liens du mariage »
emballé c’est pesé, circulez il n’y a
plus rien à voir !
5. Valise dandan et Safouno : Cadeaux et offrandes
Cette phase se résume à préparer une valise remplie de cadeaux pour la mariée. Toute la famille du mari peut y contribuer. Des bazins, des tissus, des bijoux, chaussures, matériels high tech (pour les plus fortunés)….. et le traditionnel « savon »un vrai trésor d’Ali baba.
Malheureusement elle donne certaines fois lieu à des dérives qui peuvent salir le côté sobre d’un mariage qui a bien commencé. Des excès en tout genre, pointant un brin de vanité et d’ostentation.
Hélas il y a également certaines mariées qui ne voient jamais la couleur de cette valise.
Par chance (j’ose espérer) qu’il s’agit là d’une infime minorité
6. Ya Mousso la tambi kéma : La nuit de noce
Cette étape est la consécration pour les deux tourtereaux mettant fin à une longue attente de chasteté. Cette nuit est considérée comme un événement important dans la vie d’un couple. Elle est censée être une occasion bénie où le couple se réunit en présence d’Allah (uniquement) pour entamer un nouveau chapitre de leur vie.
Mais voilà, dans certaines familles, celle-ci peut tourner au cauchemar.
Le drap blanc de la controverse !
Ce tissu blanc (qui sera immaculé de sang ou pas) peut créer un sentiment de stress des deux partenaires. Une pression mise par la mère ou les bingui (tantes) de la mariée sur le fait qu’il est primordial (voir vital) que ce drap fasse honneur à la famille au lever du soleil, peut venir gâcher la fête. (en réalité il s’agit là de leur honneur personnel, plus que celui de la famille)
Cela consiste à ce qu’une personne de la famille de la femme (une tante en général) reste chez la famille du mari, le temps qu’on lui apporte la pièce d’étoffe mouillée de gouttes de sang, preuve de la consommation effective du mariage
Cette pratique ancestrale qui n’est nullement reconnue dans l’islam est le point noir de cette nuit nuptial car selon moi c’est une mauvaise coutume contraire à la pudeur, à la virilité et à la décence.
Fort heureusement, elle est de plus en plus délaissée. Sachez parents que la fierté d’une fille n’est pas le drap taché de sang mais le comportement (issu de l’éducation que vous lui avez transmise) qu’elle aura tout au long de sa vie conjugale.
Hormis cette « sortie de route » le reste du voyage s’est plutôt bien passé et on peut donc passer à la suite.
La consommation a finalement bien eu lieu et laisse place au djanssaro (louange), la mariée reçoit de l’argent pour la féliciter. Dans certaines familles on sacrifie même un mouton pour lui exprimer de la gratitude pour son abstinence avant son mariage.
Fin du premier acte
7. Magno dandan : Accompagnement de la mariée chez son mari
Mariage reçu 5/5, place maintenant à ce que moi j’appelle la « fête des mères »
Attention silence, ça tourne ! Action
C’est à ce moment que la mère de la mariée rentre en scène. Il lui incombe d’organiser à ses frais (avec l’aide de ses fidèles amies et les copines de la mariée) cette semaine de 5 jours haut en couleur et extrêmement épuisante aussi bien pour les locaux, que les invités.
La date est fixée généralement très tôt dans le calendrier, laissant le temps
aux uniformes (portés par les demoiselles d’honneur) d’être confectionnés, de réserver les billets (de train, d’avion, flixbus….) de remplir son portefeuille car il s’agira de faire preuve d’une grande générosité pendant cette semaine.
Le lundi, les invités affluent de toute la France. La communauté fait preuve d’une grande solidarité. La semaine commence en douceur.
Le mardi, (si la mariée fait partie d’un groupe, ce qui est généralement le cas) ses amies lui organisent une petite fête en son honneur. On peut s’accorder à dire que cela ressemble très fortement à un enterrement de vie de jeune fille.
Le mercredi, début officiel du magno dandan, c’est le jour du Magno lacasso (le jour où la mariée est censée pleurer). Les Bingui (tantes) viennent prodiguer leurs conseils à la jeune entrante pour qu’elle puisse être la meilleure épouse possible. On la lave et ensuite on lui met un drap blanc qu’elle portera pendant 2 jours. Elle tiendra également dans ses mains le temps de la cérémonie un Kalama (louche) symbole de silence qu’elle devra observer tout au long de sa vie conjugale. Et enfin un drap (toujours blanc) lui est également mis sur sa tête, preuve de responsabilité qu’elle devra assumer dans son couple.
Le jeudi, soir du Kawando (les rappels). Les sages de la famille de la jeune mariée se réunissent pour donner leurs dernières recommandations à la mariée. Comment une épouse doit se comporter avec son mari et dans sa future belle famille. Ses droits et surtout ses obligations lui sont rappelés. Le but étant de ne pas déshonorer et mettre la honte sur sa famille par des actes inappropriés. Une fois les rappels et les bénédictions terminés, la mariée est conduite pour la première fois chez son mari où elle va y passer la nuit.
Le vendredi matin c’est le jour du Magno labo (le jour de la sortie), on lui enlève son drap blanc et la marié enfile un Gouba Poloman (un habit d’une grande valeur) synonyme de noblesse et de grandeur.
L’après midi, la mère de la mariée sort tous les Pani (vaisselles, ustensiles de cuisine) et vêtements qu’elle offrira à sa fille. Des cadeaux seront également offerts à la belle famille en signe de reconnaissance pour avoir accueilli la nouvelle mariée.
Le samedi, place enfin à la fête. Une grande soirée est organisée (toujours en fonction des moyens financiers) pour mettre en lumière les époux. La robe de mariée fait son apparition, « le 3 pièces » pour le marié et les uniformes pour les demoiselles d’honneur sont de sortie. Cette nuit clôture le mariage et toutes les étapes.
C’est le début de la vie maritale (qu’Allah bénisse le couple)
Conclusion
Je tiens à rappeler que ce récit a été écrit avec mon expérience et que les étapes décrite peuvent varier en fonction des familles, de la situation géographique ou sociale.
Chers lecteurs, que la paix vous accompagne dans votre couple et que celles et ceux qui n’ont pas encore trouvé l’amour puissent y parvenir dans un avenir très proche.
Moustapha.